« De l’étoffe dont les rêves sont faits »

 

 

Cette réplique finale du Faucon Maltais, de John Huston, film adapté de l’œuvre éponyme de Dashiel Hammet, rappelle tout à la fois le désir inassouvi de l’objet désiré et la substance même du cinéma.

Ce film est devenu la trame de cette série, en subissant toutefois une substitution de la sculpture bien anodine, le Faucon, pour d’autres. Contemporaines  - je me donne parfois une ou deux années d’écart – et abstraites. Tandis qu’apparaît le premier film noir, le vocabulaire formel de l’abstraction, et plus particulièrement celui de la sculpture, devient le paradigme dominant de la même période que l’âge d’or de ce genre cinématographique.

S’il est toujours possible de voir et revoir le film de John Huston, il est plus délicat de se remémorer des sculptures de la même période. Mise à part les œuvres phares des avant-gardes, qui garde un souvenir inoubliable de la  Sirène  de Arp ?

La coïncidence des dates est absolument arbitraire, bien que les films et les objets soient contemporains. Cet intercalaire provoque une collusion entre deux mondes que seule la peinture peut assurer.

Ainsi, tout comme l’étoffe des rêves vient se tisser dans les salles obscures, rappelant que nous sommes tous des êtres imageants, les toiles prétendent rendre visible ce que le passé antérieur aurait pu exprimer.

Le jeu à chaque fois est rebattu : le plaisir tient à trouver l’impossible rencontre afin de créer une situation inédite : Michel Simon se voit affubler d’un tatouage supplémentaire, clin d’œil au Minotaure qu’il est dans l’Atalante. L’oiseau  de Brancusi devient menaçant, la Sirène de Arp se fait désirante, la sentence  de Laurence Weiner prend une inflexion délicate  lorsqu’elle s’inscrit sur la peau des amants de  Chinatown.